5° partie (conclusion) du dossier « La psychologie et les psychologues à la croisée des chemins : les injonctions paradoxales déontologiques en question »


Création d’un ordre professionnel, remboursement des consultations, prescription médicale des consultations,… la profession de psychologue et la psychologie sont poussés vers un basculement sociétal et se retrouvent à la croisée des chemins.

La psychologie est une discipline scientifique qui, maniée sans éthique et sans conscience, peut servir le meilleur comme le pire des desseins. C’est pour cela que ces praticiens doivent être attentifs et se montrer rigoureux et vigilants à ce que leurs principes, valeurs, conduites, pratiques et le code qui les encadrent, bien que culturellement et moralement déterminés, restent dans la lignée d’une pratique éthique haute et ne glisse pas petit à petit vers une pratique contre-productive et désubjectivante le réduisant ainsi, à un simple outil social d’assujettissement du sujet aux rationalisations politico-économiques.

Le respect de la dimension psychique humaine issue de la nature et ne pouvant donc être aliénée à une législation humaine et à sa seule facette économique, se voit ainsi condamné par la « modernisation » et « harmonisation » de la profession sur le mode consensuel européen et mondial de type anglo-saxon du droit positif où la technologie fait force de loi en ce XXI° siècle, un système qui peut-être qualifié de régime techno-féodal[1].

La construction politique européenne voulant harmoniser les législations des différentes nations d’Europe, phagocyte peu à peu par subversion (secret pervers), la conception métaphysique unique française qui nous garantissait collectivement une législation claire prenant sa source dans le respect absolu des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme et du Citoyen lui permettant de veiller à sa propre nécessité (libre arbitre) individuellement et collectivement. Reconnaissant et instituant avant l’heure, le nécessaire continuum entre liberté et nécessité, notre profession dans sa spécificité française défend également cette conception humaniste de l’humanité et faisait partie intégrante du projet politique universel de la France d’émancipation des individus et des peuples : une fonction professionnelle hautement politique au sens plus noble du terme dans le cadre de l’état-Providence voué à servir ses membres par eux-mêmes et pour eux-mêmes et non les asservir au bénéfice des puissants.

Marginalisés et seuls, face à la pression communautaire et mondiale anglo-saxonne du droit positif anglo-saxon réduisant l’humain à sa représentation purement économique et utilitariste, nous sommes depuis des décennies, mis à l’index et dépréciés alors que nous sommes, au contraire, parmi les nations du monde, des fers de lance de l’émancipation des individus et peuples depuis 1789.

Dans ce mouvement de globalisation, la conception française du travail a d’ailleurs déjà été anéantie et réduite à un couloir humanitaire[2] où le psychologue n’est plus qu’un outil parmi d’autres visant à adapter les personnes à un environnement mortifère ; un outil satisfaisant la maitrise technologique des individus et des masses aujourd’hui totalitaire car elle s’étend à tous les pans de la vie quotidienne et intime via l’hypertechnologisation de nos vies.

Le principe déontologique de respect des droit de la personne (article 1 de nos deux codes) « édicté par les législations européennes et internationales », nous asservit en réalité, aux droits fondamentaux des personnes morales [3]  et donc à la logique de profit et des marchés. L’incidence de ces droits fondamentaux contraignants  à l’intérieur même de notre cadre législatif français suprême depuis 2008 procède comme une double entrave (injonction paradoxale) hautement toxique et comme un piège manipulatoire afin de nous empêcher, par incompatibilité originelle du droit normatif, de faire respecter les droits naturels humains et particulièrement la dimension psychique.

Le retrait de la référence à ce contexte législatif supranational toxique dans notre futur code de déontologie ne sera donc pas suffisant pour conserver et renforcer notre indépendance professionnelle de la volonté de maîtrise des individus par la société et de la volonté de résolution magique des problèmes individuels. Il semble pourtant souhaitable de faire réaffirmer notre DDHC et les droits naturels humains (personne physique exclusivement), dans l’urgence, par la clause de l’article 53 de la Charte européenne des droits fondamentaux qui stipule « Aucune disposition de la présente Charte ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales (…)ainsi que par les constitutions des États membres».

Cependant, ces injonctions ultraparadoxales originelles du droit à fort pouvoir coercitif supranational (cour européenne de justice notamment) condamnent subrepticement à terme les droits sacrés, imprescriptibles et naturels français par l’existence des QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) – un véritable coup d’état organisant une boucle d’asservissement par le conseil constitutionnel[4] et faisant de notre constitution un droit vivant donc relatif (droit positif). Le retranchement sur cette clause (art. 53 de la charte européenne) dans notre code de déontologie en réaffirmant les droits naturels humains ne peut donc être que transitoire face à ce rouleau compresseur, en attente de la récupération pleine et entière de notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en France afin de réincarner de nouveau notre rôle traditionnel d’émancipation des peuples et des individus parmi les nations du monde.

Outre le code de déontologie et la référence d’exercice au cadre législatif clarifié, si la législation française recèle encore en son sein en 2024 la législation européenne, et quelque soit le résultat des élections présidentielles de 2022, un calendrier d’évaluation perpétuelle (boucle d’asservissement) de notre exercice réduisant l’Homme et le Citoyen à un consommateur et producteur (agent économique) selon les droits de l’Homme européens et onusiens sera obligatoire et contrôlée constamment par l’Etat via les instances professionnelles, dans une logique de moindre obstacle économique constante. L’échéance présidentielle prochaine revêt alors une opportunité pour échapper au plus vite à ce système autorégulé globalisé niant purement et simplement l’autodétermination des êtres humains et toute conception humaniste du monde. La France et les français ont la chance de posséder un des cinq sièges permanents à l’ONU et donc peser, comme c’est son rôle traditionnel parmi les nations du monde grâce à sa tradition issue de 1789, sur l’équilibre géopolitique nécessaire au niveau mondial pour la liberté des peuples et des individus et échapper au système néo-esclavagiste et technologique en marche.

Il s’agit donc derrière le choix politique de récupération de notre identité et d’indépendance nationale, comme au siècle dernier à la Libération, d’un choix crucial pour l’humanité de préservation des fondements mêmes d’une vision humaniste de celle-ci garantissant par-dessus toute législation humaine, le libre arbitre et les conditions sociétales nécessaires pour le garantir et pouvoir exiger le respect absolu de la dimension psychique de chacun en France et le défendre au niveau professionnel mondial. Renoncer à notre rôle universel d’émancipation des individus et des peuples en s’alignant sur les principes européens anglo-saxons et cette directive européenne asservissante, c’est au contraire contribuer et s’aliéner à une dictature hygiéniste, transhumaniste et hyper-technologique vers laquelle nous emmène l’appartenance de la France à l’Union européenne.

Contraint est celui qui reste dans l’ignorance de ce qui le détermine. Se libère de la servitude celui qui prend conscience d’un déterminisme inconscient et de la nécessité impérieuse de reconquérir un pouvoir sur sa vie ainsi que sa capacité à y parvenir. Chaque psychologue doit alors pouvoir juger à sa propre lumière des éléments et textes officiels divulgués et analysés ici afin de s’approprier l’enjeu et le cadre des possibilités d’action individuelle en tant que professionnel en exercice et citoyen, aussi bien que collectivement dans les instances professionnelles engagées dans la refonte du code de déontologie et dans la réglementation de l’exercice de sa profession.

De cette compréhension de la situation actuelle dissipant l’interdit de penser (secret pervers) et donc d’agir opportunément, surgira des potentiels d’action individuels et collectifs impensés. En retrouvant, en effet, le sens et les origines même de notre engagement dans ce métier passionnant et donc, en retrouvant la vue, on voit des potentiels d’action que le secret pervers élaboré par les juristes et le pouvoir médiatico-politique avaient rendus imperceptibles.

Le respect de la dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues.

 

Le 20 mai 2021

Valérie CHENARD, Psychologue sociale et du travail

Amandine LAFARGUE, Psychologue clinicienne et des organisations de travail, psychanalyste

 


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Sources citées 

[1] DURAND Cédric « Techno-féodalisme » Edition Zones 2020 https://www.editions-zones.fr/livres/technofeodalisme/

[2] «  Yves Clot : le travail souffre, c’est lui qu’il faut soigner ! » site metiseurope le 9 septembre 2010

https://www.metiseurope.eu/2010/09/09/yves-clot-le-travail-souffre-cest-lui-quil-faut-soigner/

[3] SPINOZI Patrice – L’entreprise et droits fondamentaux – Conférence publiée dans la revue de jurisprudence commerciale – mai/juin 2017 n°3  http://droit-et-commerce.org/medias/ConferenceDroitEtCommerce-06032017.pdf

[4] MELIN-SOUCRAMANIEN Ferdinand – Constitution de la République française 2020  – Edition Dalloz https://www.decitre.fr/livres/constitution-de-la-republique-francaise-9782247188536.html#resume

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