Selon la Charte de l’Appel des appels « Nous entendons lutter contre toute politique qui liquide les principes de droit et les valeurs de notre démocratie, issus des Lumières et du Conseil National de la Résistance » « pour résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social. Remettre  l’humain au  cœur de la société ».

J’ai présenté lors de la réunion de l’ADA 13, le vendredi 10 janvier 2020, le programme du Conseil National de la Résistance à l’origine du modèle d’Etat providence français  et de ses missions de services publics détruites progressivement par le nouveau management public. Ce programme issu de la Résistance met l’humain au cœur de la société après l’Occupation et s’insère, en effet, dans le projet de société plus global issu des Lumières et de la Révolution française de 1789 par l’intermédiaire de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) en préambule de notre Constitution ; notre Loi des lois. Il s’agira ensuite de voir comment les 19 révisions constitutionnelles (sur 24 en tout) réalisées depuis 1992 (en 16 années à peine) permettent de nous déposséder progressivement et à bas bruit des acquis du CNR et des droits les plus sacrés de l’Homme ainsi que de notre droit inaliénable à nous autodéterminer.

 

L’humain au cœur de la société : Les « Jours Heureux » et la V° République

 

Le programme du CNR pour la libération et la restitution de la souveraineté nationale

Ce programme voté le 15 mars 1944 sous l’occupation par les représentants de la Résistance française intérieure constitué de 6 partis politiques (communistes, socialistes, droite républicaine, démocrates chrétiens) et 2 syndicats (CGT, CFTC) recouvrant les diversités locales (sections nord et sud). Il revêt donc un consensus politique largement partagé par les français.

Il reconnait le gouvernement provisoire du Général De Gaulle (résistance extérieure à Londres) à mettre en place à la libération et son objectif est de « défendre l’indépendance politique et économique de la Nation c’est à dire souveraineté nationale (pouvoir du peuple de s’auto déterminer) et rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa « mission universelle » d’émancipation des peuples :

  • par l’éviction des féodalités économiques et financières des rênes de l’économie et de la Nation grâce à :
    • la participation des travailleurs (notamment fonctionnaires des services publics et conventions collectives, comité d’entreprise, professions réglementées,…) ;
    • la nationalisation de la Banque de France pour financer les services publics et le fonctionnement de l’Etat sans intérêt – mesure qui a été quasiment supprimée par la loi Pompidou Giscard (1973). Son interdiction est aujourd’hui constitutionnalisée par le traité de Lisbonne en vigueur qui oblige à se financer uniquement auprès des banques privées et dont les intérêts de la dette ne font que resserrer l’étau toujours plus important de l’austérité et justifie toutes les privatisations, la politique gestionnaire et les reniements du CNR (code du travail, sécu, retraites,…).
  • par un plan complet de sécurisation sociale des citoyens qui les met à l’abri des puissances d’argent et aussi politiques face aux accidents de la vie et au travail : retraite, maladie, accident de travail, maternité/famille, règle d’embauche et licenciement, contrat de travail, prix agricole, ascenseur social de mérite et non de naissance, services publics de qualité pour tous, EDF, SNCF, hôpitaux, secret des correspondance,…

Le Programme du CNR constitue un travail collégial orchestré par Jean Moulin qui fut missionné par le Général De Gaulle en 1943 pour unifier la Résistance, précisant la vision commune de la reconstruction de la France après la Libération et de récupération complète de la souveraineté nationale.

Souveraineté nationale : Pouvoir reconnu à l’Etat qui implique l’exclusivité de sa compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et son indépendance absolue dans l’ordre international où il n’est limité que par ses propres engagements (souveraineté externe).  – selon art .3 du bloc de constitutionnalité (article 3 de la DDHC de 1789). (Larousse). La souveraineté nationale a succédé à la souveraineté de la royauté et a donc remplacé le pouvoir divin qui a été aboli en 1792 par le pouvoir du peuple donc de la Nation. Elle a donné naissance à la première République.

 

Le double péril pour restaurer la souveraineté nationale :   les ingérences des USA et de l’URSS

La reconnaissance officielle du Général De Gaulle par les forces de résistances intérieures réunies fut décisive pour lui permettre de s’imposer et de résister au plan des américains et des anglais AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories) projeté avec la complicité du Général Giraud. Ce plan prévoyait d’imposer le statut de protectorat à la France et d’organiser des états unis d’Europe  (Winston Churchill).

De même, ce travail collégial en interne de la Résistance permettait de stopper également le 2° péril pour l’indépendance de la France et le rétablissement de la souveraineté nationale, à savoir les forces communistes susceptibles d’être téléguidées par l’URSS (Dirigé par J. Staline) au sein des forces militantes traditionnellement actives (syndicats et partis politiques français).

 

Le CNR : les fruits dont bénéficient 65 millions de français

Le programme du CNR de 1944 est constitué de 2 parties : les mesures d’urgences à la Libération et les « mesures à appliquer dès la Libération du territoire ».

Nous héritons des fruits de ce travail collectif qui a remis après l’occupation,  l’Homme au cœur de la société par son auto-détermination collective souveraine et « l’éviction des féodalités financières des rênes de l’économie ».

Les documentaires « Les jours heureux » et « la sociale » de Gilles Perret racontent ses épisodes fondateurs et méconnus de notre modèle social unique. « La sociale » se centre sur l’étonnante histoire de la Sécu avec ses 4 branches (maladie, accident de travail, maladie et famille/maternité) et rend hommage à ses héros oubliés et particulièrement Ambroise Croizat, ministre du travail et de la sécurité sociale de novembre 1945 au 4 mai 1947.

Le programme du CNR a été mis en place principalement avec le gouvernement provisoire de la libération en 1944 et octobre 1946, le GPRF.

 

L’inscription du CNR dans la tradition française républicaine issue des Lumières

Outre les réformes, les principes du CNR s’inscrivent dans les principes républicains qui régissent nos constitutions depuis 1792.

  • Ajout de 1946 au préambule de la Constitution (bloc de constitutionnalité) : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.».
  • Les réformes réalisées notamment pour l’édification des services publics s’inscrivent également dans la tradition républicaine française du travail – donc de nos missions et métiers – née à l’entre deux guerres et caractérisée par ses principes non scientistes. Elle fait du travailleur le principal expert de lui-même et est par nature anti eugéniste car a pour objet de respecter les règles déséquilibre et de conservation de l’Homme au travail donc de la société. Les sciences du travail françaises se sont, en effet, érigées dès les années 20 en opposition au taylorisme et organisation scientifique du travail (OST) venus des USA. Ces principes sont ainsi à l’origine de l’édification des statuts des fonctionnaires établis leur conférant indépendance vis-à-vis du politique et des pressions comptables par les bureaucraties professionnelles renforcée par le programme du CNR. Cette indépendance des professions est aujourd’hui détruite et ce, depuis les années 70, dans le secteur privé par le management et dans la fonction publique par le New Public Management et la LOLF (cf. Psychologues et psychologies n°221 – 2012 § le Nouveau Management Public  ) que nous ne pourrons approfondir aujourd’hui.

 

Qu’est-ce que la République ?

La confusion entre démocratie anglo-saxonne et République.

 

La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC)

Situé au plus haut de notre bloc de constitutionnalité, nos droits inaliénables proclamés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, constituent l’essence même de notre droit et sont supposés engendrer la nature de tous les textes et lois qui régissent la Nation.

Hiérarchie des normes en droit français

 

En toute première place du bloc de constitutionnalité donc de notre droit : le préambule de la DDHC de 1789

«  … l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements,..»

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La V° République

 

  • Constitution adoptée à 82% par référendum en 1958
  • le projet constitutionnel qui a été confié à De Gaulle par René Coty, le Président de la IV° République, tend à mettre fin au régime des partis (gauche/droite) déstabilisants le pays.
  • La souveraineté nationale : titre premier de la Constitution
  • Le rôle du Président : il assure l’indépendance de la France et souveraineté de la nation ainsi que la continuité de l’Etat et le respect des traités (art. 5 de la Constitution). Il n’appartient pas aux partis, c’est un arbitre au dessus des partis car son devoir est de répondre à l’intérêt commun de tous.
  • La Nation, « La France, c’est tous les français » « Représenter la France au nom d’une fraction (partis politiques) c’est une erreur nationale impardonnable ». « la ménagère veut le progrès mais elle ne veut pas la pagaille ».». Extraits de l’interview du Général De Gaulle 15/12/1965 sur la conception originelle du rôle du Président dans la V° République (cf. vidéo à partir de 5’10).

 

 

Le retournement du sens sociétal et suppression du pouvoir de s’autogouverner

 

La démolition progressive de nos droits inaliénables qui  vide de sens notre constitution, l’Etat et nos professions

  • La V° République a connu 24 révisions constitutionnelles suite au résultat d’un référendum (2 seulement sur les 24) ou d’une procédure du congrès selon l’art.89 :
    • 5 de 1958 à 1991 en 33 ans
    • 19 (4 fois plus !) de 1992 à 2008 en 16 ans (2 fois moins de temps !).
  • Ces révisons attaquent principalement la souveraineté nationale donc suppriment le pouvoir d’auto détermination des français tout en organisant l’impunité des gouvernements (révision de 1993) et des Présidents (révision 2007).

Cliquez sur l’image pour avoir accès au texte de chaque loi constitutionnelle

 

Principales violations de nos droits inaliénables instaurées par ces réformes :

  • Disparition du principe de séparation des pouvoirs par la participation à l’UE (l’exécutif national est aussi le législatif européen, l’initiative des lois est détenue par la commission européenne non élus,…) qui d’après l’art. 16 de la DDHC a réduit à néant notre constitution ;
  • Redéfinition du rôle du gouvernement par l’obligation de transmission des directives et règlements de l’UE au parlement (Assemblée Nationale et Sénat) pour transposition en droit français –  révision de 1999 ;
  • Disparition du principe absolu d’égalité de droits de tous les citoyens devant la loi(état de droit) : introduction du principe d’affirmative action (discrimination « positive ») en 1999 (fonctions électorales) renforcée en  2008 (fonctions professionnelles et sociales) par instauration de l’obligation de quotas hommes/femmes;
  • Transfert de la souveraineté nationale: Titre XV de la constitution depuis Maastricht 1992 et particulièrement l’article 88-1 qui constitutionnalise les transferts de souverainetés les plus importantes sans limite de temps (cf. traité de Lisbonne plus loin);
  • Fixation de prévisionnel de recettes et objectifs de dépenses de la sécurité sociale (1996)
  • 6 DDHC « La loi est l’expression de la volonté générale »: résultat de référendum de 2005 piétiné par l’adoption du traité de Lisbonne;
  • Retour des privilèges (étym. Lois privées) par la décentralisation (2003) : la localité géographique des citoyens redevient facteur d’inégalités devant les lois ;
  • …etc.

 

 

La neutralisation de la souveraineté des peuples par les juristes et traités internationaux

Comment la participation de la France à l’Union européenne pourrait-elle s’accommoder du « principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. » (art 3 de la DDHC) ?

Les meilleurs constitutionnalistes mondiaux lors de leur congrès international ont primé un texte étudiant la question « « La neutralisation de la question de la souveraineté: stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne ».

Après l’étude des diverses façon d’appliquer le principe absolu de souveraineté (Allemagne, GB, France, Autriche), toutes les solutions envisagées par ce texte conduisent à une impasse attendue. Seule un compromis reste possible sur ces bases « Quand un organe est souverain, cela ne signifie pas qu’il a  »le pouvoir suprême exclusif », mais seulement qu’il pense l’avoir. La question de savoir qui a en fait (objectivement) ce pouvoir, ne devrait pas être traitée, parce qu’elle est trop sensible et non nécessaire à notre but. »   Autrement dit, les juristes doivent s’efforcer de neutraliser la notion de souveraineté et de laisser ainsi l’illusion aux Etats et peuples d’être souverains en masquant le réel détenteur du pouvoir. Ce qui viole de façon subreptice, le droit international qui confère à tout peuple de disposer d’eux-mêmes (charte ONU de 1945).

 

Les souverainetés transférées à l’UE : dépossession du peuple par le traité de Lisbonne en vigueur

  • Traité de Lisbonne (2008) est l’ex TCE (2005) constitutionnalisé (art. 88-1) par la procédure du congrès sous la forme  de 2 « minis » traités : le TUE et le TFUE
  • Traité ratifié en 2007 malgré le refus des français par référendum en 2005

  • Le principe néolibéral au plus haut de notre droit: article 119 du TFUE (ci-dessous) qui interdit tout « monopole d’Etat » confirmé par l’art. 106 du TFUE et qui modifie donc progressivement l’ensemble de nos lois, de nos institutions, de nos métiers.

Cliquer sur l’image pour accéder au traité TFUE

  • Les compétences transférées du peuple français à l’U.E. sont consignées des art. 2 à 6 du TFUE;
  • Le traité de Lisbonne irréformable : il n’est modifiable qu’à l’impossible unanimité des 28 pays membres (art. 48 du T.U.E.) car à l’intérieur de chaque pays on n’est déjà pas d’accord sur les changements à réaliser en plus d’intérêts nationaux divergents;
  • Les français sont dépossédés du pouvoir de décider de préserver les services publics par exemple. « l’établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur » et « la politique commerciale commune » tout comme la « ratification de traités internationaux qui concerne sa compétence exclusive », à savoir les accords de libre échange comme TAFTA, CETA ou pour les services TISA, sont des « compétences exclusives » de l’UE ( 3 du TFUE) ;
  • Respect tardif du droit international (droits des peuples à disposer d’eux même) : Jusqu’au traité de Lisbonne (2007) qui comporte l’article 50 du T.U.E., il n’y avait pas de clause de sortie de traité prévue (violation du droit international) « pour nous forcer à avancer » selon l’aveu même de Jacques Attali (cf. vidéo à 11’40).
Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou droit à l’autodétermination est le principe issu du droit international (Charte des Nations Unies de 1945) selon lequel chaque peuple dispose ou devrait disposer du choix libre et souverain de déterminer la forme de son régime politique.

 

Les failles principales de la V° République

  • Conseil constitutionnel : Politisé et non professionnel du droit ni de la justice pour protéger notre souveraineté
  • Modification de constitution possible sans débat public ni référendum par la procédure du congrès : art. 89
  • Absence de reconnaissance constitutionnelle de la Presse afin de les séparer définitivement des  féodalités financières et du politique (malgré ordonnance 44 du CNR)
  • Absence d’interdiction de confiscation de la création monétaire et du rôle de la Banque de France (financement de l’Etat et services publics pour l’égalité de droits de tous devant le droit et l’accès à la santé et pour le respect de la dignité humaine)

 

 

Redonner un sens aux mots pour remettre l’humain au cœur de la société

Cet exposé a permis d’éclaircir le réel sens des mots les plus politiques (de politikè – organisation de la cité) qui soient car ils décident de la détention du pouvoir par le peuple ou non. Dans « 1984 » de Georges Orwell, les slogans de «novlangue « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage et l’ignorance c’est la force » avec son ministère de la Vérité pervertissaient le sens logique de la population. De même, « Souveraineté », « nation », « République » ont été dévoyés notamment par un jeu de manipulation psychologique appelé  triangle de Karpman (Analyse Transactionnelle) mis en place dans les années 80 grâce aux médias par Mitterrand. Il a fait monter et installer le Front National par tactique (Aveux de Roland Dumas) dans le paysage politique tout en finançant et pilotant SOS racisme (stigmatisation des « beurs » et « touche pas à mon pote »). Désignant respectivement en terme d’ingénierie sociale, le bourreau et la victime ; la construction politique de l’Union européenne devenait avec le gouvernement socialiste, « le sauveur ». Le même piège mental se rejoue depuis pour chaque élection dans les médias faisant passer l’adversaire du FN pour le « sauveur ».

Triangle de Karpman 

Dans l’opinion publique, ce piège mental impose aux français le déshonneur ou culpabilité par association ( sophisme par association) du concept même de la Nation (intitulé du parti Front ou Rassemblement National). La nation devient par association, en effet, progressivement synonyme de racisme, xénophobie, antisémitisme alors qu’elle constitue l’essence même du pouvoir du peuple qui a succédé au pouvoir divin en 1789. La souveraineté, de même, devient par le biais du mot « souverainiste », le contraire également du 1° article de notre DDHC… Même la Marseillaise a été frappée de calomnies par l’interprétation ridicule de « sang impur » qui n’est autre, à cette époque que d’affirmer fièrement que le peuple français n’est pas de sang pur (ou sang bleu de la noblesse) tout comme il ne porte pas de culotte de soie et se nomment avec fierté, les sans culotte.

Ainsi, par ces stratagèmes politico-médiatiques, les principes néolibéraux sont entrés en catimini au plus haut de notre droit et ont permis de mettre une politique gestionnaire et l’argent au cœur de notre société et de nos métiers. Le règne de la cupidité détermine aujourd’hui nos lois et organisent l’austérité tout en maintenant l’illusion de souveraineté grâce aux textes des traités et leur méconnaissance médiatiquement orchestrée.

Pour retrouver notre pouvoir d’auto détermination et remettre l’humain au cœur de la société et de nos métiers, il parait vital de nous libérer et d’extraire ces poisons juridiques de notre constitution et de nos lois imposés de façon déloyale et manipulatoire indigne de toute démocratie.

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